Bâle II - défis et opportunitésLes comptables entre clients et risques bancaires : des défis mesurésDate : 03.07.2006
Conférencier : M. Carlo THILL - Président du comité de direction de la FORTIS BANQUE LUXEMBOURG SA
Il y a peu, à l’initiative de l’ALCOMFI (association luxembourgeoise des comptables et fiduciaires )
, s’est tenue une fort intéressante conférence, au Parc Hotel Alvisse de Luxembourg. M. Carlo Thill,
président du comité de direction Fortis Banque Luxembourg, a parlé, devant une bonne quarantaine de
membres de l’ALCOMFI, très attentifs à ses propos, des « défis et opportunités de Bâle II ».
Thème ardu ? Pas du tout éloigné en tout cas des préoccupations des comptables. « L’intérêt est
partagé pas nos différentes professions », a notamment commenté M. Thill, en préambule. « Une
approche mesurée et différenciée des risques, une gestion plus professionnelle des risques de crédit
par les banques, cela influe sur les taux, sur les relations avec le client final comme une PME,
et aussi sur le travail de fiduciaires qui, outre le fait qu’elles sont elles-mêmes des entreprises
en relation avec les banques, se trouvent être des intermédiaires précieux entre les banquiers et
les PME ».
Pour expliquer ces liens, Carlo Thill a d’abord expliqué les différents éléments qui font les
spécificités de l’accord Bâle II. Un élément important est cette obligation qu’ont les banques de
garantir par des fonds propres les actifs à risque. Dans son souci de créer un cadre réglementaire
qui permette de renforcer encore la stabilité du système bancaire international, Bâle II a complété
les mesures de Bâle I (mis en place en 1988). Une des notions clés, c’est la mesure et la gestion des
risques, qui permet le calcul des exigences en fonds propres. Les risques à évaluer sont liés au
marché (exemple : fluctuation de taux de change), liés aux opérations en interne (exemple : une
mauvaise manipulation sur un ordre d’achat de titres), ou liés aux crédits. Et là, la banque doit
mettre au point une veille permanente, une modélisation mathématique et statistique, aux fins
d’évaluer le plus précisément possible les risques qu’elle court. Et ce par rapport à chaque
client, dans une approche différenciée et objective, une approche nouvelle. Probabilité de
défaillance d’un client, montant dû par le client en cas de défaillance, perte de la banque
par rapport à cette exposition : les trois paramètres multipliés donnent le E.L. (expected loss),
l’importance de l’éventuelle perte prévue par la banque.
Les institutions bancaires n’ont pas toutes la même approche (utilisant des modèles plus ou moins
sophistiqués pour leur mesure du risque par client). Mais toutes établissent un « rating », un
classement de leurs clients, qui se verront plus ou moins cotés suivant leur profil.
« Le rating exprime un jugement sur la qualité intrinsèque du débiteur », résume Carlo Thill, qui
énumère des critères, quantitatifs ou/et qualitatifs, qui influenceront le rating : structure
bilantaire (fonds propres, degré d’endettement, liquidités…), pertes et profits (cash flow, capacité
de remboursement, rentabilité…), fonctionnement des comptes (retards de paiement…) mais aussi secteur
d’activité, positionnement sur le marché, business plan, qualité du management, structure de
l’actionnariat… « La qualité des informations reçues est primordiale », insiste Carlo Thill,
à l’attention des comptables et fiduciaires, appelés à être des partenaires dans l’intérêt de tous.
« Plus question de fonctionner avec des données manquantes, sur le chiffre d’affaires ou autres »,
souligne-t-il. Car souvent les banques ne disposent que de peu d’historique ou de statistiques.
La collecte des informations, préalable à l’élaboration de modèles mathématiques de rating, est un
travail énorme. Pour Fortis, M. Thill estime que ce chantier, en route depuis 2001 et qui doit se
terminer en 2007, aura nécessité un investissement colossal, de l’ordre de 30 millions d’Euros,
principalement dans la refonte des systèmes informatiques et dans la gestion de cette masse
d’informations.
Au Luxembourg, la situation est d’autant plus délicate. « L’absence de centrale des bilans entraîne
une lourdeur dans la collecte et l’enregistrement des informations financières sur les entreprises ;
l’absence d’uniformité quant au schéma de présentation des états financiers oblige au retraitement
des chiffres bilantaires. Il y a encore trop souvent des retards de publication des comptes et
aussi une réticence encore trop marquée de certains clients quant à la mise à disposition du banquier
de leurs chiffres ». Or, selon M. Thill, plutôt que de la méfiance, il faudrait une confiance entre
le client et son banquier. « L’importance d’une bonne communication n’échappe à personne.
Une information complète sur le demandeur de crédit permet à ce dernier d’obtenir le juste prix de
crédit. Il y a une opportunité de profiter du conseil du banquier en matière de financement. Nous
sommes des conseillers, comme les comptables sont des conseillers. Il y a un effort commun
à mener ».
Et, graphiques à l’appui, Carlo Thill, de différentes simulations, tire une conclusion rassurante :
« en théorie, si les ratings sont bien effectués, la consommation de fonds propres des banques sera
moins élevée. Et, bonne nouvelle pour les PME, le crédit moyen ne deviendrait donc pas plus cher ».
Ainsi, « la meilleure gestion des risques de crédit sera bénéfique, tant au banquier qu’à la
clientèle ». Les comptables et les entreprises, appelés à se montrer de plus en plus professionnels
dans la gestion des risques, ont bien noté le message.
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